Assunta Finiguerra (San Fele – Potenza, 1946/2009)
Une voix d’insurrection, reconnaissable entre toutes, et la capacité rare de « créer des liaisons audacieuses, inhabituelles » entre des mondes et des idées qui semblaient très loin les uns des autres, en des « comparaisons surprenantes et parfaites » (Milo De Angelis, 2006), dans une langue archaïque, pas très éloignée de celle réinventée par Albino Pierro (voir ici même, chronique n° 6). Encore donc, le Sud extrême, dont peut-être les résultats poétiques les plus authentiques sont davantage liés à la langue des réalités humaines et naturelles locales, longuement façonnées par l’histoire (flux et stase inséparablement), que dans des régions plus proches des centres du pouvoir (Rome, Milan, Florence…). – Question ouverte, comme le savent tous ceux qui se sont occupés de Littérature en refusant de la couper de ses racines anthropologiques et, au sens vaste, politiques profondes. Peu après sa mort, Carla Saracino lui rendait un hommage ému en ces termes : « Il lamento della Finiguerra è un canto guerriero e non può conoscere lo spreco. Lo sprecoè il feticcio negativo dell’autrice, il Maligno da abbattere; la dispersione è la passione da recidere. Assunta Finiguerra mira alla composizione di uno stato della sazietà » (site la poesia e lo spirito, mars 2010). Rien d’étonnant à ce que la présence du divin – plus souvent malmené, interpellé, nié qu’adoré ou encensé – soit perceptible dans presque tout son œuvre poétique passionné et transitif, indépendamment de précises manifestations religieuses. Quelques jalons dans sa production publiée : Puozze arrabbià, Bari 1999, Rescidde, Zona ed. 2001, Questo dolore che mangia, Voci della Luna (Poesia) 2009, Scurije, 2010 (LietoColle).
Quelques textes :
Veulent me voir morte, les gens
veulent que je respire plus
parce que ma respiration
dérange le soleil,
ce soleil que tous appellent père
et que personne n’a jamais vu.
Morte, sept pieds sous terre
comme ça je ne gêne plus
tous ceux que j’ai crus amis
et qui ont mis la main sous leur cœur
pour attraper les larmes
sans cesse encore répandues.
Mais moi je meurs pas
je suis de méchant fer
j’ai tout rouillés
le ventre, le sang, le cœur,
ce cœur assassiné
écrasé sous le maillet des jours,
réduit comme peau d’âne.
S’il est âne
c’est le destin qui l’a voulu,
dans la course avec la vie resté en arrière
et le soleil n’a pas vu ses larmes
elles sont arrivées en eau bénite
dans leur ciel qui ne croit pas aux idiots.
Il pleure, oh s’il pleure, l’âne !
même quand il y a des marguerites
qui fleurissent dans le mois de Marie,
le mois des roses,
mais toujours des fleurs d’âne…
aussi personne ne sait sa douleur
quand il rêve de la mort
et la voit belle comme une étoile,
comme une comète,
mais la peur l’abat
et si seulement il faisait vite jour, dit-il,
pour respirer encore et déranger le soleil !
[1996, Puozze arrabbià, Bari, La Vallisa, 1999]
I fuoche de novembre só appecciate . cu na viulenze ca me mbaurissce
resorge palummelle e mmóre cane nda na vijanove ca nun téne anzute Oje mamma mije e vita benedette appene tocche fierre nassce viende m’accerchje cume fosse delinguende me daje a bbeve miére fatte acite Me só stangate de èsse n’impotende si mette r’asscedde fazze mala fine nun póte vuluà chi nun pusséde abbuole chi scarpe de cemende porte e piede nghiuvuate nderre reste ósce e ssembe ósce e ssembe spere ca Dije nge sije
|
Les feux de novembre sont allumés . avec une violence qui me fait peur
je renais tourterelle et meurs chien dans une ruelle qui n’a pas d’issue. Ô ma mère, ma vie bénie, dès que je touche du bois se lève un vent qui m’entoure comme si j’étais coupable, me donne à boire un vin tourné acide. Je suis fatiguée d’être sans pouvoir, s’il me pousse des ailes je finirai mal, il ne peut voler celui qui n’a le vol, qui porte aux pieds des souliers de ciment restera pour toujours cloué à terre, espérant chaque jour que Dieu existe.
. “Questo dolore che mangia”, . ………… Le Voci della Luna, 2009 |
Je peux pas dire le nom de qui j’aime
vie ou mort c’est la même chose
sang de Dieu ou jardin de roses
ou ciguë qui empoisonne le plat.
Tu veux trop en savoir, que te dire ?
Il m’aime quand on est au lit,
et puis il me voit à nouveau comme la chouette
qui dort dans une bulle de savon.
Je peux encore me sentir femme
si en chandelle sur l’autel je me consume
et si, orgueil vaincu par la fumée,
agite pieds et mains la marionnette ?
(tr. JcV)
…