Une Renaissance de rêve… au musée du Luxembourg !

La Renaissance et le rêve  

Musée du Luxembourg, du 9 octobre 2013 au 26 janvier 2014

Informations et réservation sur le site du musée

Du 9 octobre au 26 janvier, dans le cadre bucolique du Jardin du Luxembourg, quatre-vingts toiles, ainsi que plusieurs éditions rares d’œuvres littéraires en dialogue étroit avec ces images et leur genèse  (Aristote, Macrobe, Apulée, Ovide, Hippocrate, Ficin et d’autres encore), s’offrent à nous dans l’obscurité onirique du musée et nous invitent à quitter le monde diurne des certitudes et de la lumière pour nous plonger dans l’univers nocturne de l’ambivalence et de la lueur. Nous sommes dans la première section de l’exposition, celle consacrée à la nuit et à ses représentations allégoriques (images 1 et 2)… endormez-vous, le voyage commence !

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Images 1. et 2.

 

Dans l’abandon du sommeil, le rêve, qui anime la deuxième section de l’exposition, se configure tel un espace éphémère et métaréel où l’homme, le dormeur/rêveur,  rencontre le divin, le temps présent se plie aux prophéties de l’avenir et l’âme, désarmée et endormie, devient proie de tentations cauchemardesques et de visions et révélations paradisiaques ; l’autre face d’un âge d’or de l’imagination et de la création dans lequel la perte temporaire de la raison (dépossession du sujet) n’est pas seulement souhaitable, mais aussi nécessaire afin de s’élever à une plénitude spirituelle et d’atteindre ainsi l’inspiration artistique (images 3 et 4).

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Images 3. et 4.

 

Délivrance divine du corps et de la pesanteur terrestre ou plutôt abandon temporaire et dangereux de la raison et de la vertu ? Le ravissement onirique, lieux de sensualité et de mystère, s’ouvre aux yeux du spectateur sous le signe du symbole et du pressentiment. Entre révélations célestes et avertissements prophétiques (image 6), le défi d’une interprétation exhaustive est lancé : songe véridique ou rêve trompeur ? Le pinceau traduit l’énigme polyvalente d’un message au destinateur inconnu, la célèbre gravure de Albrecht Dürer (image 5) témoigne bien de cette polysémie onirique. Depuis 1498, cette œuvre au sujet très controversé, ne cesse pas de mettre à dure épreuve la sagacité des historiens de l’art, menés à devenir interprètes de rêves.

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Images 5. et 6.

 

Et si la révélation divine mêle rêve et rêveur dans la lumière véridique du salut, comme on le voit dans La vision de Sainte Hélène de Paolo Veronse (image 7), c’est dans la terreur cauchemardesque des ténèbres et de la perdition hallucinée, entre damnés torturés et démons infernaux, que s’éveille la conscience du pécheur face aux conséquences admonitrices des vices humaines (image 8).

78Images 7. et 8.

 

Quand le rêve tourne au cauchemar, quand la vacatio animae n’est que paresse et lascivité, quand la lucidité diurne sombre dans les formes hybrides et grotesques du chaos et de la perdition, l’imagination du peintre ne connaît plus de limites dans l’expression de pures représentations oniriques. Devant les toiles de Jéronimus Bosch (image 9), toute interprétation logique se heurte contre un manque intrinsèque de raison, cette lumière salvatrice qui s’est éteinte pendant un trop long sommeil et qui offre à l’artiste la possibilité d’exprimer l’extraordinaire et l’horrible.

9L’exposition, dont les différentes sections retracent les étapes idéales d’une nuit à la Renaissance, traverse sur la pointe des pieds les rêves de plusieurs rêveurs, leurs visions et hallucinations – entre grâce divine, érotisme subtil et cauchemars démoniaques – et elle s’achève, comme chaque songe, à l’aube. Dans l’espace liminaire et safrané du matin de Battista Dossi (image 10), la déesse Aurore avance et les esprits se raniment, la raison endormie s’éveille et l’homme regagne le contrôle de soi et de ses propres actes. Et pourtant un doute demeure, caché sous une apparente maîtrise retrouvée, tel un don de la nuit, une révélation troublante et indistincte qui ne manquera pas de germer à nouveau une fois la nuit retombée.

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Elisabetta Simonetta

doctorante études italiennes Paris 3

 

Légendes images :

1. Michele di Ridolfo del Ghirlandaio, Allégorie de la nuit (d’après Michel-Ange), 1553-1555, Galleria Colonna, Rome.

2. Battista Dossi, Allégorie de la nuit, 1543-1544 , Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde.

3. Lorenzo Lotto, Apollon endormi, 1530, Szépmuvészeti Museum, Budapest.

4. Lorenzo Lotto, Le songe de la jeune fille ou Allégorie de la chasteté, 1505, National Gallery of Art, Washington.

5. Albert Dürer, La tentation du paresseux ou Le rêve du docteur, 1498, The Israel Museum, Jérusalem.

6. Francesco del Brina, Le rêve de la vie humaine (d’après Michel-Ange), Seconde moitié du XVIe siècle, Galleria degli Uffizi, Florence.

7. Paolo Caliari, dit Véronèse, La vision de Sainte Hélène, 1570-1575, The National Gallery, Londres.

8. Hyeronymus Bosch, L’Enfer (détail), 1505-1510, Palazzo Grimani, Venise.

9. École de Hyeronymus Bosch, La Vision de Tondale, 1520-1530, Museo Lazaro Galdiano, Madrid.

10. Battista Dossi, Le matin : Aurore et les chevaux d’Apollon, 1544, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde.

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